L’année universitaire 2020-2021 marque les 30 ans de la création du Master Management et Commerce International option Echanges avec l’Asie.
A cette occasion, les étudiants du Master Asie ont interviewés le Directeur actuel du Master, M. Darwis Khudori, ancien que le premier directeur de ce Master, M. Jean-Paul Barbiche.
Interview de M. Khudori, directeur du Master
Nous avons interrogé M. Darwis Khudori, directeur actuel du Master sur son expérience à ce poste :
Q. Avant de devenir directeur du master Asie, que faisiez-vous ?
M. Khudori : Avant tout, je souhaite rendre hommage au créateur de cette formation unique en France même au monde en 1990/1991: le doyen visionnaire de la Faculté des Affaires Internationales de l’époque M. Patrice Gélard.
Quant à moi, je suis de formation à la fois technique et scientifique : mes premiers diplômes universitaires sont ingénieur-architect-urbaniste ; mon dernier diplôme est doctorat en Histoire avec spécialisation Histoire du Monde arabe et musulman contemporaine.
J’ai commencé à enseigner à l’Université du Havre en 1995/1996 comme Maître de Langue indonésienne en même temps que poursuivre mes études de doctorat en Histoire à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV). A la suite de mon doctorat et de ma qualification de Maître de conférences, j’étais recruté en tant qu’enseignant-chercheur à l’Université du Havre en 1999/2000.
Comment êtes vous devenu le directeur de ce master ?
Par une élection parmi des candidats au sein de la Faculté des Affaires Internationales. Sachez que la formation Master (Bac+4 & 5) n’existait pas encore. J’ai été élu en tant que directeur de la MST (Maîtrise de Sciences et Technique / Bac+3 & 4) Commerce avec l’Asie, précédemment dirigée par M. Jean-Paul Barbiche (premier directeur, 1990-1998) et M. Robert Sheppard (deuxième directeur, 1998-2004). Au dessus de la MST, il y avait le DESS (Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées / Bac+5) Commerce et Echanges avec l’Asie dirigé par M. Guilhem Fabre (premier et dernier directeur, 1994-2005).
Qu’est ce qui vous a poussé à le devenir ?
Plusieurs élément m’ont poussé : des étudiants (notamment en LV2 indonésienne, qui étaient majoritaires en MST Commerce avec l’Asie), des collègues enseignants dans la formation (notamment les directeurs précédents), mon envie de perfectionner et de promouvoir la formation à l’internationale (notamment en Asie, en Afrique et au-delà) et mon propre sens de responsabilité (notamment du fait que la majorité d’étudiants était en LV2 indonésienne). En effet, l’indonésien était proposé comme LV2 débutante en MST pour les étudiants qui n’ont jamais appris une langue asiatique proposée dans la formation (chinois, coréen, japonais, russe). C’est toujours le cas jusqu’à présent.
Combien de temps avez-vous été directeur du Master Asie ?
Depuis l’année scolaire 2004/2005.
Comment a été la première année ?
J’ai vécu la réforme universitaire en Europe en 2004-2006 : l’harmonisation des diplômes universitaires européens en LMD (Licence, Master, Doctorat respectivement Bac+3+5+8) ; la fusion progressive de la MST Commerce avec l’Asie et du DESS Commerce et Echanges avec l’Asie en 2004/2005 et 2005/2006. A la suite de la fusion, j’ai été élu directeur des M1 et M2 Echanges avec l’Asie.
Quelles matières avez-vous enseigné en tant que professeur et directeur du Master Asie ?
J’enseigne à l’Université du Havre les matières suivantes : Langue et civilisation du Monde malais ; Introduction au Monde malais ; Introduction à l’ASEAN ; Culture et économie régionales de l’Asie ; Histoire et actualité des échanges Europe-Asie ; Actualité et projets des échanges Europe-Asie ; Méthodologie de mémoire.
En quoi cette expérience vous a-t-elle marquée ?
C’est un travail éprouvant mais passionnant, toujours en tension entre exigences académiques/scientifiques et professionnels, étudiants et enseignants, France et monde (Asie et au-delà). C’est une formation unique en France, même au monde : formation qui combine les dimensions technique et culturelle des échanges Europe-Asie.
Que pensiez vous améliorer pour la formation afin de répondre toujours aux attentes des étudiants ?
Non seulement les attentes des étudiants, mais aussi celles du monde académique/scientifique et du monde de travail. Le diplôme doit être fondé sur une formation solide à la fois scientifique et professionnelle. Il faut créer constamment un espace et/ou des activités qui permettent une interaction entre étudiants, chercheurs/universitaires et professionnels d’entreprise. Il faut insister l’importance du mémoire en sciences humaines et sociales (afin de former une compétence en recherches scientifiques) et du stage dans une entreprise ou une institution relative aux entreprises (afin d’acquérir les compétences technique, managériale et interculturelle). En dehors des cours classiques, l’implication des étudiants dans le colloque annuel international et interdisciplinaire « La Montée de l’Asie » et les différents PIC (Projet d’Intérêt Collectif) est un élément essentiel dans la formation.
Pour finir, pourriez-vous estimer le taux de réussite des étudiants sortants ?
Si vous voulez dire le taux d’embauche à la suite du diplôme M2 Asie, dans les années normales (non pandémique comme ce moment), environ de 30 % embauchés à la suite de stage, et les autres trouvent l’emploi en moins d’un an.
Interview de M. Barbiche, premier directeur du Master
Nous avons également interrogé M. Barbiche, premier directeur du Master de 1990 à1998, sur son expérience à ce poste :
Q. Avant de devenir directeur du master Asie, que faisiez-vous ?
M. Barbiche : Je suis arrivé à la faculté des Affaires Internationales en 1989. Auparavant, j’étais principal du collège Henri Wallon du Havre où j’avais été nommé en 1984 – la même année que la création de l’université du Havre. Je venais de Paris.
De formation, je suis angliciste. Lorsqu’on me demandait si je parlais une langue orientale en raison de mes fonctions, je répondais sans hésiter « l’anglais, évidemment » !
Comment êtes-vous devenu le directeur de ce master ?
C’est le doyen de cette époque, le professeur (de droit public) Patrice Gélard qui m’a proposé d’encadrer ce diplôme nouveau, très innovant à l’époque, appelé « Commerce avec l’Asie ». J’ai immédiatement accepté, car je partageais avec lui un grand intérêt pour l’évolution de l’Asie. Diplômé de l’INALCO (en complément de sa spécialité juridique), il avait été le principal artisan et concepteur de cette formation, créée en 1989. Il avait assuré son année de mise en place avant de me la confier en 1990.
Qu’est-ce qui vous a poussé à le devenir ?
Je me suis penché depuis (presque) toujours sur les relations internationales, la géopolitique, la globalisation, les migrations, les diasporas, les colonisations, les langues et les cultures. C’était l’occasion de développer cet intérêt personnel et de recherche de façon appliquée.
Comment s’est passée la première année ?
A l’époque, les « Masters » n’existaient pas. Le diplôme s’appelait « Maîtrise Science et Technique » (M.S.T.), de deux années après un Diplôme d’Etudes Universitaires Générales (D.E.U.G.), soit Bac+4. En 1994, nous avons créé un niveau supplémentaire, un Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées (D.E.S.S.) de « Commerce et Echanges avec l’Asie », de niveau bac+5. Lorsque l’organisation nationale des enseignements supérieurs a basculé dans le système « Licence-Maîtrise-Doctorat » (L.M.D. appelé aussi 3-5-8), en 2006, nous étions prêts pour que cela devienne le Master que vous connaissez.
Quelles matières avez-vous enseignées en tant que professeur et directeur du Master Asie ?
Ma recherche doctorale universitaire portait sur le Commonwealth, et plus précisément les Antilles Britanniques. C’est ainsi que j’avais découvert que les liens entre cette région d’Amérique et l’Asie étaient nombreux et très anciens, en particulier au moment de l’abolition de l’esclavage, car cela donna lieu à d’importants transferts de populations d’Asie (Inde, Chine) vers la Guyana, Trinidad, la Jamaïque, etc… J’ai donc créé un cours sur les territoires anglophones de l’Asie et du Pacifique et les réseaux que ces mouvements migratoires avaient créés: Inde, Pakistan, Bangladesh, Hong-Kong, Malaisie, Singapour, Australie, Nouvelle Zélande, Hawaï, Californie, etc…
J’ai par ailleurs souhaité encadrer les mémoires (de Master 1 et de stage). C’est grâce à eux que les étudiants m’ont permis de compléter ma culture asiatique.
Combien de temps avez-vous été directeur du Master Asie?
En cumulant les fonctions et les responsabilités qui m’ont été attribuées (MST Asie, création du DESS, ouverture de l’Indonésien, passage au LMD, etc…) cela a duré jusqu’à mon élection en tant que doyen de la faculté des Affaires Internationales, soit de 1990 à 2000 – dix années pleines, tout en gardant quelques heures de cours pendant le décanat. Enseigner est un métier de dialogue et de transmission que j’ai beaucoup aimé.
En quoi cette expérience vous a-t-elle marqué ?
J’ai eu l’impression de partager l’enthousiasme des étudiants qui s’engagent dans cette filière. En effet, je crois que vous vous y inscrivez pour réaliser des rêves et des passions, pour découvrir des cultures – parfois celle de vos propres racines – pour vous engager dans une vie professionnelle dynamique, originale. J’ai eu la possibilité (la chance) de me rendre sur les lieux de stages, parfois même d’être hébergé par un étudiant sur place, de négocier des partenariats qui durent encore avec des universités, des entreprises, diverses institutions, de participer à des conférences régionales, des salons, de réaliser des audits, d’être associé à des missions de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Havre. Ce fut d’un extrême enrichissement, pour moi-même et aussi pour les étudiants dont j’avais la charge.
Que pensiez-vous améliorer pour la formation afin de répondre toujours aux attentes des étudiants ?
Le Master Asie annonce clairement sa spécialisation dans le commerce international. J’ai donc pris soin de rechercher des intervenants professionnels travaillant avec l’Asie. Leur expérience directe est évidemment très précieuse, et je présume que c’est toujours le cas. Egalement, j’ai cherché à développer des contacts avec les ambassades en poste à Paris. Plusieurs ambassadeurs sont venus en personne, parfois un de leurs conseillers, présenter leurs pays et leurs projets de développement. Deux événements particulièrement importants ont eu lieu. L’un fut le spectacle offert à l‘université par l’ambassade d’Indonésie à l’occasion du 50ème anniversaire de l’indépendance du pays, en 1995. Le deuxième fut, en 2001, l’accueil de 9 (sur les 10, car l’un d’entre eux était empêché) ambassadeurs des pays membres de l’ASEAN à l’occasion du 10ème anniversaire de la création du diplôme. Leur présence soulignait l’image particulièrement positive que notre formation donnait à l’extérieur. Le rayonnement en ville et à l’université fut considérable.
Je voudrais également citer l’idée de la « Semaine de l’Asie » dont l’objectif était de promouvoir le master dans l’université, auprès de la population havraise et au-delà – par le biais d’événements festifs, des conférences, des expositions, des mini-festivals, la liste est loin d’être exhaustive. C’est là que se retrouvaient un certain nombre de vos Projets d’Intérêt Collectifs (les fameux PIC).
Pourriez-vous estimer le taux de réussite des étudiants sortants ?
Il faudrait demander à M. Khudori pour ce qui est d’aujourd’hui. Mon souvenir est que le taux de réussite était de 100 %, car nous nous assurions des pré-requis et de la motivation des étudiants lors des entretiens d’inscription. Je me souviens cependant d’une étudiante qui avait abandonné la formation car elle avait pris conscience tardivement qu’elle serait amenée à voyager par avion, ce qu’elle ne pouvait pas envisager, et d’une autre qui ne s’attendait pas au choc culturel que représente (par exemple) une immersion dans une foule asiatique, malgré l’enthousiasme avec lequel elle se préparait à découvrir de nouvelles cultures.
Savez-vous combien d’étudiants travaillent en Europe et combien an Asie ?
Je suis incapable de vous répondre actuellement .[…] Ce que j’ai observé, cependant, c’est qu’un certain nombre d’anciens trouvent un emploi en Asie, puis poursuivent en Europe, et vice-versa. J’en connais même qui se sont installés en Amérique. Mais une chose est certaine, pour maintenir un niveau de langue suffisant, indispensable pour la réussite professionnelle, il faut rester en expatriation un minimum de temps.
Propos recueillis en Février 2021.